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© CNRS - 2023

Numéro de notice

7806

Sang des glaciers (Le)

C'est une algue microscopique qui vit... dans la neige ! "Sanguina nivaloides", de son nom scientifique, se laisse apercevoir au printemps lorsqu'elle teinte la neige d'un rouge sang. Direction le col du Lautaret, dans les Alpes, où biologistes et physiciens nous expliquent comment la neige se révèle être un étonnant écosystème dans lequel la vie tient toute sa place.

Durée

00:06:41

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HD

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Français

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Apple ProRes 422

Transcription


Commentaire voix-off :
Et si la neige était elle aussi un écosystème.
Et si ce manteau blanc abritait une vie microscopique.
Et si sous les skis des vacanciers se développait en réalité tout petit monde fait d'algues, de champignons et de bactéries.
Oui, il y a de la vie dans la neige. Et contrairement aux océans, cet écosystème a été peu étudié.
Nous sommes en juin au col du Lautaret dans les Alpes. Une équipe de scientifiques vient régulièrement pendant tout l'été pour y étudier une algue microscopique : Sanguina Nivaloides. Décelable à l'oeil nu, elle s'observe facilement au microscope de terrain.

Eric Maréchal :
Ces algues elles sont très très nettement visibles hein. Elles font un trentième de millimètre et elles sont toutes rouges donc on peut véritablement bien les voir. Elles sont à la surface des cristaux de neige, dans une fine pellicule d'eau qui circule à la surface des cristaux de neige.

Commentaire voix-off :
Dans les Alpes, cette algue n'est présente qu'à partir de 2000 mètres d'altitude. Dans la période juin-juillet, l'algue se voit à l'oeil nu. Elle prolifère et produit ce qu'on appelle un bloom, elle teinte alors la neige de rouge. Les randonneurs l'ont même surnommée « le sang des glaciers ». Mais en réalité, il s'agit d'une microalgue verte qui s'entoure de pigments rouges.

Eric Maréchal :
Ces pigments rouges lui permettent de lutter contre les conditions de stress en particulier le stress de très forte luminosité, il n'y a rien de plus lumineux que la neige. Cet excès de lumière va ensuite provoquer une série de stress, des stress qu'on appelle oxydants, que l'on dit oxydants. Et des molécules antioxydantes, et bien, il y en a une qui est très connue, ce sont des caroténoïdes et qui va être accumulées en très très grandes quantités à l'intérieur de la cellule. Ce qui fait qu'elle apparait à nos yeux rouge mais fondamentalement c'est une algue verte.

Commentaire voix-off :
Les scientifiques n'ont pas encore réussi à cultiver cette algue en laboratoire. Alors ici, ce sont un peu leurs paillasses à ciel ouvert. Ils délimitent des zones précises dans la neige pour réaliser leurs expériences. Ils reviennent chaque semaine pour pulvériser différents nutriments et prendre des échantillons.

Jade Ezzedine :
C'est un peu une expérience de fertilisation. Il faut s'imaginer comme si on est dans un petit jardin chez nous où on est en train d'apporter des nutriments donc de l'azote, du phosphate, du fer, donc à différentes concentrations et dans chaque carré on a apporté un nutriment différent. Et on revient chaque semaine pour contrôler pour prélever dans nos tubes, pour voir ce qui a poussé, faire des comptages, et regarder la diversité dans nos carrés.

Commentaire voix-off :
Étonnamment, ce manteau blanc n'est pas un milieu hostile. Il est propice à la vie, car il isole et protège du froid.

Eric Maréchal :
C'est un habitat composé de neige et qui est à 0 degré mais proche du point de congélation donc il y a quand même de l'eau liquide. Lorsqu'on est en montagne. Si jamais on se perd et qu'il fait très froid, il vaut mieux se mettre à l'intérieur ou se cacher avec de la neige ou faire un igloo, plutôt que de rester à l'air libre. La neige est un écran thermique qui protège un petit peu cet écosystème.

Commentaire voix-off :
Chaque jour, ils en apprennent un peu plus sur cette algue, mais pourtant, elle reste encore bien mystérieuse. Comment arrive-t-elle dans la neige ? Peut-elle se déplacer ? Comment survit-elle lorsque la neige fond ?
Quelques kilomètres plus bas, au jardin du Lautaret, lieu qui accueille du public et des scientifiques, l'équipe fait passer l'algue sous les lentilles du microscope. On y voit les cellules rouges de l'algue, mais pas que…

Jade Ezzedine :
Elle n'est pas la seule espèce dans cet écosystème donc cet écosystème il est complexe, il est diverse. Ce qu'on peut voir aussi c'est qu'il y a d'autres algues avec elle, mais même aussi des petites bactéries qui partagent cet écosystème et parfois même on retrouve des champignons.

Commentaire voix-off :
Mais cette algue pourrait mettre en danger tout ce petit monde. Car lorsque la neige est teintée de rouge, elle renvoie moins bien les rayons du soleil. Elle absorbe alors la chaleur et fond plus rapidement. Les scientifiques essayent actuellement de quantifier ce phénomène inquiétant.

Eric Maréchal :
Le réchauffement climatique provoque une accélération de la fonte, en particulier des glaciers, mais aussi du manteau neigeux. Eh bien, ce phénomène va être amplifié par la présence des microalgues. Donc ça va avoir un effet accélérateur, en effet, sur la disparition de cet habitat. C'est un phénomène qui est non négligeable, donc on sait en gros l'ordre de grandeur c'est la dizaine de pourcent mais dans le détail on ne l'a pas.

Commentaire voix-off :
Et ce qui pourrait encore aggraver le phénomène, c'est le nombre de blooms. Sont-ils de plus en plus nombreux ? Pour le vérifier, les chercheurs ont mis au point un algorithme qui les détecte à partir d'images satellites.

Léon Roussel :
En fait sur les six années sur lesquelles on a mené l'étude, donc avec les images satellites, on remarque une grosse disparité. Il y a des années où il y a beaucoup plus de détections que d'autres années. Ça montre que les paysages en fait selon les années et selon le lieu, ils peuvent être complètement différents. Il y a des années où on peut voir des surfaces toutes rouges et des années où on va voir beaucoup moins de blooms apparaître. Pour l'instant, l'étude elle est menée sur six années. Donc en fait on ne peut pas avoir de tendance, il faudrait avoir des séries temporelles beaucoup plus longues. Juste ce qu'on peut savoir c'est les lieux sur lesquels on en détecte actuellement mais de là à parler de tendance pour l'instant ce n'est pas possible.

Commentaire voix-off :
Cette recherche n'en est qu'à ses débuts. Et pourtant, elle est déjà lancée dans une course contre la montre. La fonte de la neige liée au réchauffement climatique entraine irrémédiablement la disparition de cette algue. Alors l'urgence est d'explorer en premier les montagnes où la neige ne sera bientôt qu'un souvenir. Pour comprendre cet étonnant écosystème avant qu'il ne soit trop tard.

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