Voir la série Voir la série

Uniquement disponible pour exploitation non commerciale

© CNRS - 2024

Numéro de notice

8028

Four solaire d'Odeillo : dompter le feu sacré - Va savoir #08

Titre Série

Va savoir

Avec ses 50 mètres de haut et ses dizaines de miroirs (ou héliostats), le four solaire d'Odeillo semble tout droit sorti d'une oeuvre de science-fiction - tendance rétrofuturiste. Mais il est surtout le roi de sa catégorie, capable de concentrer plus de 10 000 fois la puissance du Soleil pour atteindre des températures inouïes.
De quoi nous donner l'envie de jouer avec le feu, mais surtout permettre aux scientifiques qui y travaillent de dompter cette énergie inépuisable, et de concevoir des matériaux capables à leur tour d'aller dans l'espace pour défier le Soleil...

Durée

00:09:33

Année de production

Définition

HD

Couleur

Couleur

Son

Sonore

Version(s)

Français

Support Original

Apple ProRes 422

Transcription


Maxime Labat :
Le ciel pur de la montagne, ça vous gagne. Nous disposons sur Terre d'une énergie abondante et quasiment illimitée : le soleil. Si Icare nous a un peu calmé à l'idée de nous en rapprocher, l'Antiquité nous a quand même légué de belles idées. On raconte qu'Archimède aurait cramé les voiles de bateaux romains en -213 avant Jésus-Christ, lors du siège de Syracuse, grâce à des miroirs ardents, des miroirs concaves qui permettent de concentrer la lumière du soleil. La classe, Ça nous a pas échappé : les ressources en énergie s'épuisent, le pétrole, le gaz, le charbon ou même l'uranium, il n'y en aura pas éternellement. Et leurs déchets ne sont pas sans poser quelques questions. C'est pour ça que je suis aujourd'hui au coeur de l'un des instruments scientifiques les plus fascinants de l'Hexagone, où des chercheurs perpétuent ce vieux rêve de dompter le soleil et de capter sa puissance démesurée et infinie.
Je vous présente le four solaire d'Odeillo et là, il y aura une vue en drone : “le four solaire d'Odeillo...”

Pour commencer cette visite, je rejoins Emmanuel Guillot, directeur adjoint du laboratoire Promes pour Procédés, Matériaux et Energie Solaire.
Alors dans les grandes lignes, ça marche comment un four solaire ?

Emmanuel Guillot :
Un four solaire donc travaille avec l'énergie solaire et des miroirs. Tu as le soleil là derrière nous, qui bougent dans le ciel. Donc on va avoir d'abord les héliostats qui vont accompagner ce mouvement du soleil dans l'année et vont chacun renvoyer l'énergie solaire vers le sud, vers la parabole et ensuite la parabole va concentrer dans la tour, là où on a le procédé ou les matériaux en test.

Maxime Labat :
Et qu'est-ce que vous testez à l'intérieur ?

Emmanuel Guillot :
Alors le grand four solaire d'Odeillo sert soit à tester des matériaux, à synthétiser des nouveaux matériaux ou à tester des procédés pour utiliser l'énergie solaire comme source d'énergie : faire de l'électricité, faire des carburants de synthèse, hybrider des procédés industriels avec l'énergie solaire.

Maxime Labat :
C'est-à-dire qu'on puisse chauffer, je sais pas, du verre par exemple.

Emmanuel Guillot :
Voilà : faire du verre avec l'énergie solaire, faire du ciment pour faire des choses qu'on a au laboratoire, recycler des matériaux par exemple pour leur donner une deuxième vie. On peut faire ça, on peut tester ça au grand four avant de faire ça à l'échelle industrielle.

Maxime Labat :
Ce projet un peu fou a trouvé sa place ici à Odeillo, petite bourgade de 2000 habitants et de 200 chercheurs.

Archives : “Ce n'est qu'en 1950 que Félix Trombe et Max Fuchs mettent au point un prototype de four solaire. La température peut atteindre 3500 degrés Celsius. Une plaque d'acier d'un centimètre d'épaisseur fond en quelques secondes.”

Maxime Labat :
Grâce aux très hautes températures qu'il produit, il est d'abord utilisé pour l'étude et la caractérisation de nouveaux matériaux inventés à la va-vite pendant la guerre. Mais très vite, l'idée de produire de l'énergie fait son chemin.
Archives : “La lumière du soleil est très bien adaptée à cet usage. Elle est inépuisable et gratuite.”

Maxime Labat :
On trouve donc la commune la plus ensoleillée de la métropole pour y construire le plus grand four solaire du monde. L'air des Pyrénées est pur et propose un temps d'ensoleillement de 2400 heures par an. C'est beaucoup. Pour vous donner un ordre d'idée, il y a à peu près autant de soleil ici que dans le sud de l'Espagne. Chaud !
Mais avant d'aller nous frotter au grand four solaire, Emmanuel m'a d'abord montré ses plus petits joujoux, histoire que je me rende bien compte de l'extraordinaire puissance du soleil. Donc là, c'est des installations qui sont complémentaires de l'énorme qui est devant, là.

Emmanuel Guillot :
Tout à fait. Donc ici, on est dans la halle des verticales. Il y a neuf fours solaires sur sept étages et surtout leur qualité optique est absolument fantastique et on n'a pas d'équivalent au monde. Ici, on va pouvoir concentrer plus qu'au grand four, à peu près 15 000 fois l'énergie solaire. Et donc ici, on va pouvoir atteindre de très hautes températures, encore plus qu'au grand four, à peu près 4000 degrés, alors qu'au grand four, on va être à 3500 degrés.

Maxime Labat :
Mais par contre, t'es sur une zone qui est beaucoup plus restreinte.

Emmanuel Guillot :
C'est ça : le grand four, on va être sur un mètre de diamètre tandis qu'ici, alors là, c'est une parabole d'un mètre 50, on va travailler sur un centimètre et demi à peu près.

Maxime Labat :
Et donc là, le foyer, il est là en fait, Mais on le voit pas.

Emmanuel Guillot :
Et bien, il est là. Il y a un... Est-ce que tu veux le voir, le foyer ?

Maxime Labat :
Ouais, je veux bien voir le foyer. Ouais, je suis à côté d'un truc qui chauffe à 3000. Ah ouais, d'accord. Ok, on le voit bien. Donc au-dessus, il fait pas chaud, en dessous, il fait pas chaud.

Emmanuel Guillot :
Tout à fait en dessous.

Maxime Labat :
Non mais... il ne se passe rien.

Emmanuel Guillot :
Par contre, dix centimètres plus loin, là, je ne vais pas y mettre les doigts. Alors on peut faire cramer des trucs. Je peux te passer un bout de bois alors, situé au-delà du foyer, il ne va pas se passer grand-chose par contre. Donc voilà.

Maxime Labat :
C'était au-dessus, c'était en dessous.

Emmanuel Guillot :
Par contre, si tu es là, donc...

Maxime Labat :
C'est spontané quoi. C'est vraiment bon. Et après, ça s'arrête.

Emmanuel Guillot :
Un avantage de l'énergie solaire concentrée, c'est que justement on peut obtenir des hautes températures. Bon, là pour du bois, c'est pas grand-chose, c'est faire cramer du bois. Par contre c'est instantané.

Maxime Labat :
Donc d'un point de vue scientifique, ce qui est intéressant par rapport à d'autres techniques pour étudier les matériaux, c'est que tu peux avoir le choc thermique, c'est ça ?

Emmanuel Guillot :
Alors c'est un moyen de chauffe très rapide, à très haute température et c'est un moyen de chauffe propre. On peut atteindre de très hautes températures sans polluer l'échantillon et donc en caractérisant bel et bien que l'échantillon, et par rapport à des lasers, quand on veut atteindre des hautes températures à un moment donné, le laser, comme il est monochromatique, peut exciter le matériau, tandis qu'ici, comme on utilise l'énergie solaire qui est large bande spectrale, on va rester sur de la chauffe.

Maxime Labat :
Est ce qu'on peut mettre autre chose dans le foyer ?

Emmanuel Guillot :
Alors on peut mettre autre chose au foyer. Pour les démonstrations, c'est très commode. Donc on a pris un objet hautement technique : un caillou de parking.

Maxime Labat :
Ok…

Emmanuel Guillot :
C'est du granit et donc là, du granit. Si on le place au foyer. Mets-le verre n'oublie pas, c'est très lumineux. Si on le place au foyer, là tu vois rien. Et au foyer, et tu as vu tout de suite. Là on a commencé à l'éclater en surface et il commence à fondre. Donc si je le retire du foyer, tu vois que la roche est en fusion sur le dessus. La partie basse, elle est refroidie avec la circulation d'eau, donc elle est froide. Par contre, en haut, on est à 1200/1400 degrés, ça dépend de la chimie de la roche.

Maxime Labat :
Depuis les années 70, le rêve de nourrir nos machines d'énergie solaire alimente les chercheurs du CNRS perchés dans ce petit village de montagne. Après tout, le soleil alimente déjà la quasi-totalité des systèmes biologiques sur Terre. En attendant une vraie révolution énergétique, des chercheurs du monde entier viennent ici tester les matériaux qui équiperont les innovations de demain, sur terre et dans l'espace.
Alors là, juste devant nous, il y a la grande parabole. C'est ça ?

Jean-Louis Sans :
C'est ça. C'est une parabole qui fait 40 mètres de haut sur 54 mètres de large, qui est composée de 9 135 miroirs courbés et qui permet donc d'avoir une concentration de 10 000 fois le soleil. Le caisson que vous voyez actuellement, c'est l'expérience MEDIASE. MEDIASE, ça veut dire Moyens d'Essai du Diagnostic en Ambiance Spatiale Extrême.

Maxime Labat :
Maxime Labat :
Ok.

Jean-Louis Sans :
Donc on est capable avec cette enceinte de reproduire l'environnement d'une sonde solaire par exemple.

Maxime Labat :
Vous avez déjà travaillé sur des sondes solaires ?

Jean-Louis Sans :
Sur une oui, la sonde Parker qui est partie il y a déjà plus de deux ans.

Maxime Labat :
C'est extrême quand on arrive aux alentours du soleil, on prend plein d'agressions.

Jean-Louis Sans :
Mais c'est des hautes températures puisque le bouclier, je pense qu'il est monté à plus de 1000 degrés. Ensuite, il y a des agressions de type particules dues aux vents solaires, des agressions de type ultraviolet, du rayonnement. Donc tout ça a été reproduit ici, ici, avec cette enceinte.

Maxime Labat :
Alors là, je vois que vous avez plein d'installations avec des tuyaux qui arrivent et tout ça, c'est un peu pour vous protéger et protéger les instruments qui sont derrières. Ça, y a énormément d'énergie-là qui nous, qui arrive dans cette petite boîte.

Jean-Louis Sans :
Alors oui, alors en fonction des expériences qu'on réalise au foyer, on va faire travailler un nombre donné d'héliostats. Donc cette expérience-là, elle n'est pas dédiée à accepter la totalité de ce que peut amener le champ de l'héliostats. Donc là, on va arriver à peu près à 70 % des capacités du champ d'héliostats. Donc, on peut arriver à peu près à six, sept mégawatts thermiques.
La particularité aussi de cette installation, c'est ces mesures d'émissivité, on va les réaliser à très haute température. Là, le maximum qu'on peut atteindre, là, aujourd'hui, c'est 2300 degrés.

Archive : “Le feu de la forge d'Odeillo brûle à 150 millions de kilomètres de la terre et ne s'éteint jamais...”

Maxime Labat :
Et au coeur de cette installation qui sent bon la SF des années 60, je me dis que l'avenir est une habitude qu'il ne faut pas perdre. Alors continuons à rêver les yeux ouverts. Mais avec des lunettes…
C'est un peu fort…

Réalisateur(s)

Julien DESCHAMPS

Production

Institut(s)

Délégation(s)

Thématiques scientifiques

CNRS Images,

Nous mettons en images les recherches scientifiques pour contribuer à une meilleure compréhension du monde, éveiller la curiosité et susciter l'émerveillement de tous.