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© CNRS - 2023

Numéro de notice

7679

Soulages : Au coeur de la peinture

Un étrange phénomène frappe plusieurs oeuvres réalisées à Paris à la fin des années 1950, notamment des tableaux de Pierre Soulages : la peinture se ramollit et redevient liquide. Pour comprendre les causes de ces altérations, on vous emmène aux Abattoirs, Musée – Frac Occitanie de Toulouse, suivre une équipe de scientifiques lancée dans une grande campagne d'analyse des composants de peinture, grâce à des techniques d'imagerie non-invasives novatrices.

Durée

00:06:39

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HD

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Version(s)

Français
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VI

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Apple ProRes 422

Transcription


Commentaire :
La peinture raclée à la spatule, une superposition de couleurs qui se mélangent, des noirs aux différentes textures. Pas de doute, voici un tableau du peintre français Pierre Soulages. Mais cette oeuvre, comme d' autres de la même période, a en elle une énigme. Pourquoi la peinture s'écaille-t-elle dans certaines zones, tandis que dans d'autres, elle devient poisseuse, en se ramollissant et provoque des écoulements de peinture.
Pour analyser trois tableaux, Les Abattoirs Musée FRAC Occitanie Toulouse a ouvert ses portes à une équipe de scientifiques. Pendant trois jours, accompagnés des équipes de ce musée d'art contemporain toulousain, ils vont tenter d'élucider ce mystère.

Pauline Hélou-de La Grandière :
On retrouve les mêmes altérations dans les peintures de Soulages que dans les peintures d'autres artistes qui travaillent à Paris à la même période et qui se fournissent chez les mêmes marchands de couleurs qui sont De Kooning, Appel, mais aussi Riopelle, Joan Mitchell. On a vraiment des altérations qui sont très, très similaires et qui sont liées à un comportement des matériaux très particuliers de cette époque les années 50, les années 60 à Paris.

Commentaire :
Restauratrice depuis 17 ans, Pauline Hélou-de La Grandière, s'est lancée dans une thèse pour comprendre ces altérations récurrentes. Spécialiste des oeuvres de Pierre Soulages, elle a restauré plus de 100 tableaux. Celui-ci a été réalisé à un moment où l'artiste peignait presque un tableau par jour.

Pauline Hélou-de La Grandière :
On est dans les années où il y a le plus produit et ses oeuvres sont très importantes aujourd'hui pour l'histoire de l'art parce qu'elles ont contribué à la diffusion de l'abstraction, notamment l'abstraction française, et aussi dans l'histoire des oeuvres de Soulages. Parce que c'était une période où il a accédé à un niveau de notoriété et de reconnaissance internationale assez important.

Commentaire :
Cette campagne permet d'observer ce tableau sous une autre lumière, grâce à des instruments d'imagerie. Les scientifiques décryptent de nombreux paramètres. Ici, le relief de la peinture, grâce à cet outil qui utilise des lumières aux différentes inclinaisons, ou bien la brillance, avec ce prototype, il combine une caméra astronomique et une LED qui se déplace. La brillance est un phénomène qui est difficile à quantifier et qui s'observe plus facilement à l'oeil nu que par des instruments. Et pourtant, ici, la brillance apparaît.

Lionel Simonot :
C'est un prototype, d'un objet qui n'existe pas encore et qui sert à essayer de quantifier le brillant sur toute une surface du tableau. Ce que va voir la caméra, c'est les points qui sont qui réfléchissent la lumière lorsqu'ils sont éclairés à l'instant T où la LED passe devant. Donc on détecte les points qui sont plus ou moins lumineux. Donc le niveau de brillant.

Commentaire :
Pauline avait laissé sciemment une partie du tableau non restauré. L'équipe peut donc réaliser des mesures d'imagerie avant et après son intervention. Sur ce tableau, elle doit recoller la peinture qui s'écaille. Mais ce qu'ils l'interrogent particulièrement, ce sont ces coulures anormales qui n'ont pas été faites par l'artiste.

Pauline Hélou-de La Grandière :
La peinture, plutôt que de s'oxyder et de devenir de plus en plus cassantes, devient de plus en plus molle et quelquefois devient liquide. Et parfois des empattements suintent une goutte de liant qui est le liant de la peinture et qui est de l'huile. En fait, les peintures ont été sèches et tout à fait sèches. Il n'y avait pas du tout de problème de séchage, mais c'est un problème de vieillissement qui revient en arrière et la peinture redevient fluide et s'écoule des empattements.

Commentaire :
Pour comprendre la composition chimique de l'oeuvre. L'équipe utilise une technique d'imagerie non invasive, la luminescence, pour cela. Mathieu Thoury, ingénieur au CNRS, illumine le tableau avec différentes longueurs d'onde, de l'ultraviolet jusqu'au proche infrarouge et observe la réaction des matériaux. Il s'intéresse particulièrement aux différences d'états chimiques du liant dans les zones brillantes et mates.

Mathieu Thoury :
On vient sonder la manière dont les pigments ou les liant qui participent aux couches picturales absorbent la lumière et on vient regarder la manière dont ils réémettent cette lumière en luminescence. Et on compile toutes ces images pour essayer d'avoir une information sur les propriétés de luminescence et d'absorption des composés liant ou pigment. C'est avec cette technique d'imagerie de luminescence qu'on essaie de mieux comprendre quel est l'état chimique de cette zone plus fluidifié qui a mené à cette coulure qui n'est pas, qui ne fait pas partie de la composition originelle de l'oeuvre ?

Commentaire :
Et même lorsqu'on enlève les efflorescences, un produit de dégradation à la surface des oeuvres. On peut le visualiser par l'imagerie de luminescence. Sur les images, on remarque très clairement la différence entre les parties restaurées et non restaurées.

Mathieu Thoury :
Ici on a une ligne, cette ligne là est la ligne de démarcation entre la zone qui a été nettoyée par Pauline et la zone qui n'a pas encore été touchée, et on observe une différence de luminescence parce que, a priori, le nettoyage de Pauline a modifié en surface l'état chimique de la surface et les efflorescences qu'elle avait observées visuellement. Et cette luminescence traduit donc cette légère modification chimique de la surface. Mais c'est un bon moyen de tracer les zones de restauration.

Commentaire :
La campagne d'imagerie se poursuit sur ce tableau, mais aussi sur d'autres oeuvres d'André Marfaing ou Georges Mathieu. Une des clés se trouve peut-être dans les conditions de conservation des oeuvres. Ces nouvelles techniques d'imagerie contribueront à suivre l'évolution de l'apparence visuelle et de l'état chimique des tableaux dans le temps, afin d'adapter si besoin, les protocoles de conservation, pour faire en sorte que ces oeuvres restent fidèles à chaque coup de pinceau donné par l'artiste.

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