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© La Belle Société production / EPPDCSI-Universcience / MNHN / Ceebios / Ministère de la Transition écologique et solidaire / IRD / Institut des Futurs souhaitables / Région Sud / Région Nouvelle-Aquitaine / Région Bretagne / Communauté d'Agglomération Pays Basque / CNRS – 2020

Numéro de notice

7731

Des fourmis agronomes

En cas de dégradation d'un espace naturel, comment reconstituer toute la complexité du vivant ?
Dans la plaine de la Crau, près de Arles dans les Bouches du Rhône, c'est grâce à l'action de fourmis que les scientifiques ont pu rétablir la biodiversité d'un écosystème dégradé par les activités humaines suite à la rupture d'un oléoduc au coeur d'une réserve naturelle.

Durée

00:05:25

Année de production

Définition

HD

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Son

Sonore

Version(s)

Français

Transcription


Commentaire voix-off:
Qu'est-ce qu'un paysage naturel ? Comment la biodiversité qu'il contient s'est-elle façonnée au cours des temps ? La steppe de la plaine de Crau, située en Provence, est vieille de 6000 ans. Elle est parsemée de végétaux capables de résister à la sécheresse et au mistral, d'accueillir des espèces d'oiseaux très différentes et des insectes uniques au monde. En cas de dégradation, l'homme serait-il capable de recréer cette complexité du vivant ?

Thierry Dutoit :
La plaine de Crau, elle est considérée comme une des seules steppes d'Europe occidentale. C'est une végétation qui est dominée en fait par de l'herbe, c'est à dire que naturellement, elle ne va pas évoluer vers la forêt parce que les conditions climatiques sont trop rudes, il fait trop chaud ou trop froid.
En août 2009, ici au coeur de la plaine de Crau, on a eu une canalisation enterrée, un oléoduc, qui s'est déchirée et ce pétrole s'est donc épandu sur à peu près cinq hectares au coeur de la réserve. 72 000 tonnes de sol au total ont été excavées, et en surface, à partir de 2011, donc un nouveau sol a été importé pour remettre la morphologie telle qu'elle était par rapport au site avant qu'il soit dégradé par la nappe de pétrole.

Les travaux de notre laboratoire ont consisté finalement à accompagner ce projet dans sa phase ingénieriale en apportant des solutions fondées sur la nature un peu innovantes pour essayer de pousser plus loin le protocole de restauration. Donc, ça a été notamment la reconstitution couche par couche du sol à l'identique et, dans un deuxième temps, accélérer la restructuration de la végétation en agissant en fait sur les espèces, qu'on appelle les espèces ingénieures de l'écosystème, qui sont les espèces
qui vont avoir les rôles majeurs pour la reconstitution de ce milieu.

Notre connaissance sur les fourmis en Crau, elle se basait sur des travaux fondamentaux qui avaient été menés dans les années 80 et qui identifiaient ici 20 à 25 espèces de fourmis dont 2 espèces qui sont dites fourmis moissonneuses, qu'on appelle des fourmis messor, de messor moisson. Et on s'est rendu compte ici, quand même, qu'il y avait 70% des espèces végétales qui avaient leurs graines transportées par ces fourmis, et c'est là, c'est le cas de le dire, qu'a germé notre idée en fait d'utiliser ces fourmis comme des espèces qui allaient redistribuer la végétation sur le site qu'on veut restaurer.

Commentaire voix-off :
En réintroduisant 200 reines pour fonder des colonies, les scientifiques ont fait le pari d'une restauration naturelle appelée ingénierie écologique. Quels sont les résultats de cette première mondiale ? Et comment les fourmis agissent-elles sur la croissance des espèces végétales ?

Thierry Dutoit :
Le process, à partir du moment où on a réimplanté les reines, il va falloir quelques années pour qu'elles créent un nid qui va comporter plusieurs milliers d'individus. On va avoir des nids ici qui font jusqu'à 20 000 individus et avoir une sélection significative sur la végétation. C'est le fait d'aller chercher des graines qui sont relativement loin autour du nid, à une dizaine de mètres voire une trentaine de mètres.
Mais heureusement, la fourmi ne consomme pas l'entièreté des graines qu'elle récolte, elle en oublie en fait sur ces pistes, sur cette trajectoire et elle en met aussi directement à l'entrée de ses nids dans des zones, qu'on appelle des dépotoirs, qui au printemps ont été dégradées par les pluies automnales et les pluies printanières où les graines atteignent le sol, et là on a une densité formidable de germination des graines qu'elles ont apportées.

En même temps qu'elles ont cette action de redistribution des graines, elles ont une action très significative sur le sol puisqu'elles vont brasser le sol. Elles vont amener des éléments du sol en profondeur en surface et elles vont brasser ce sol avec la matière organique du dépotoir. Donc, il s'agit vraiment en fait de fourmis entre guillemets agricultrices puisqu'elles amènent à la fois les graines et, en même temps, elles transforment le sol.

Tania De Almeida :
On a effectué des relevés de sol en 2017 et on a constaté qu'au niveau des nids de fourmis, le sol contenait plus de nutriments
que dans les zones où il n'y a pas de nids de fourmis ni d'activités de fourmis. Pour ce qui est de la végétation, on a effectué des relevés sur le terrain, donc la végétation in situ et on a effectué des relevés de banques de graines. c'est le stock de graines qui est dans le sol. Au niveau des nids de fourmis, elles commencent vraiment à se rapprocher de celles de la steppe.

Thierry Dutoit :
Ce que nous permet l'ingénierie écologique, la réintroduction des fourmis, c'est d'accélérer la restructuration. Si on prend l'image d'un tableau, sur ce site ici on a été utiliser un morceau de toile, c'est notre sol. Au niveau des pigments, des couleurs, on a avait toutes les bonnes couleurs
parce que les graines étaient contenues dans le sol. Par contre, ce qui nous manquait, c'était le génie, l'artiste qui allait nous faire
le dessin, qui sont bien sûr les fourmis qui eux vont avoir un impact majeur parce qu'elles sont là au moment où on a le pic de production de graines.

L'intérêt économique des solutions fondées sur la nature, c'est qu'elles ne coûtent pas cher puisque c'est un organisme vivant, sauvage ou domestique, qui va faire le travail. Ce en quoi ces techniques coûtent chères, c'est le travail de recherche qui a à faire en amont,
et surtout, leur coût écologique est bien moindre puisque en ingénierie civile vous allez émettre systématiquement du CO2, vous allez émettre des huiles qui sont polluantes, ce qui n'est absolument pas le cas de l'ingénierie écologique ou des solutions fondées sur la nature.

Commentaire voix-off :
En utilisant des fourmis, mais aussi des moutons, pour restaurer cette steppe unique endommagée par l'homme, on a choisi de réparer la nature grâce à la nature afin de respecter les équilibres du vivant. Copier la nature est une tentative délicate qui doit prendre en compte de multiples facteurs et interactions, comme ici le climat, le sol et le rôle de la biodiversité.

Réalisateur(s)

Thomas MARIE

Personnalité(s)

Thématiques scientifiques

CNRS Images,

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