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© CNRS Images - 2019

Numéro de notice

6838

Stèles oubliées d'Éthiopie (Les)

Depuis le début du projet européen HornEast, les historiens et archéologues ne cessent de découvrir des stèles funéraires musulmanes dans la région du Tigrè Oriental, en Éthiopie ; bouleversant les connaissances historiques alors admises. Ces nouvelles sources semblent indiquer une présence longue et étendue de l'islam dans une région qui était pourtant un des sièges de l'autorité chrétienne au Moyen Âge.
La découverte de ces cimetières soulève de nouveaux questionnements chez les chercheurs ; pourquoi ne retrouvons-nous aucune trace d'habitat ? C'est une interrogation qui reste pour l'instant sans réponse. Cette étude prospective de la région sera suivi de fouilles plus approfondies de certains sites afin de mieux comprendre les pratiques funéraires de cette époque et pourquoi pas découvrir des habitats. Une étude sur le long terme permettra peut-être d'en découvrir davantage sur l'histoire de ce territoire.

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C'est une mission d'exploration dans ce qui était le coeur du royaume chrétien d'Éthiopie du 10ème au 13ème siècle. Ces chercheurs français et éthiopiens tentent d'éclairer cette période méconnue du pays. Ils sont à la recherche de stèles funéraires ; des pierres gravées et oubliées depuis des siècles. La présence de ces stèles va bouleverser l'histoire jusqu'alors admise de cette région pour des raisons bien précise : ce sont des tombes... musulmanes.

Julien Loiseau
Non, elle est dans le bon sens en fait celle-ci ! Simplement elle est posée à l'horizontale la pierre. Elle est en place.

Ces stèles représentent une source inestimable d'information pour ces historiens et archéologues.

ITV Julien Loiseau
Pour une région comme ici qui manque cruellement de dates précises pour essayer de placer dans le temps des évolutions, des communautés, là, d'un seul coup, on a une espèce de coup de projecteur avec toute une série de dates précises qui vont nous permettre de dire “à ce moment là, en cette année là, en cette décennie là, il y avait donc une communauté présente à cet endroit là parce qu'elle y a enterré ses morts...

Julien Loiseau
Je pense qu'on a tout les amis ! Un, deux, trois, quatre, cinq, six lignes - je pense qu'on a l'intégralité. On va avoir la date.

- T'as vu ? Le sceau de Salomon !

- Ah ouais ? David ?

- Non, c'est pas David ! Chez les musulmans c'est Salomon !

La stèle a été décorée d'une étoile à six branches qui, pour les musulmans, est le symbole du sceau de Salomon qui est un signe protecteur pour les défunts en fait au moment d'affronter le jugement et l'inscription comporte trois registres d'information - il y a une première formule introductive, comme pour tous les documents officiels ou privés, c'est à dire la basmallah, au nom de Dieu miséricordieu, suit ensuite une citation coranique, ensuite on a le nom du défunt… et on a la date du décès… et donc si on se penche un peu, on devrait pouvoir déchiffrer ça…
688 de l'hégire, donc c'est sans doute la plus tardive du corpus, on est dans le début des années 1280.

1280 ! L'histoire complexe de la région à cette époque est très mal connue. L'islam a longtemps été perçu comme une importation étrangère, jouant un rôle marginal dans l'histoire des sociétés locales.
Or depuis leur première campagne de prospection en 2018, les scientifiques du projet européen baptisé Horn East ne cessent de découvrir de nouveaux indices indiquant une présence longue et étendue de l'islam dans la région qui était pourtant le siège de l'autorité chrétienne au Moyen-Âge. Une présence qui semble désormais loin d'être marginale.

ITV Amélie Chekroun, historienne
Quand on a commencé à travailler sur ce projet, on a avait dans l'idée qu'il y avait un lieu, avec un cimetière - une communauté qui pouvait être importante mais qui était unique.

La mission d'après, on a identifié deux autres cimetières. Ca a commencé à complexifier un peu notre vision des choses. Là, en deux jours, on en a identifié cinq autres. Donc on se retrouve avec presque une dizaine et on n'a pas fini, on va peut-être en trouver d'autres au cours des jours qui viennent.
C'est à la fois génial, et à la fois très perturbant parce qu'on ne comprend plus du tout ce qui se passe. On a sur un espace très proche des cimetières répartis un peu partout.

Les sites d'implantation de ces cimetières ne relèvent pas, non plus, du hasard. Nous sommes au Tigray oriental, une région d'Éthiopie qui a servi de carrefour important de routes caravanières au Moyen âge. Ces routes reliaient les pays des rives de la mer Rouge aux hauts plateaux éthiopiens.
Une partie de cette histoire est même révélée par les stèles. Certaines indiquent que le défunt, ou ses ancêtres, venaient de contrées lointaines - péninsule arabique, mer Rouge, Egypte et même le Fars, qui deviendra l'Iran actuel.

Cette articulation, ces échanges entre mondes chrétiens et musulmans font que cette époque était déterminante dans l'histoire du pays et aussi dans l'histoire toute la corne de l'Afrique.
Si les scientifiques dépendent autant de ces rares stèles gravées pour comprendre cette époque, c'est tout simplement parce qu'ils manquent de sources.

ITV Amélie Chekroun, historienne
La documentation sur l'islam éthiopien avant le 16e siècle, donc pour la période dite médiévale, est très parcellaire et les documents produits par les communautés musulmanes dans la région sont très rares puisqu'ils sont au nombre de trois. Et si on compare par exemple à la production, à la même époque, en Egypte, c'est incomparable puisqu'en Egypte ils produisent des milliers et des milliers et des milliers de manuscrits, des milliers de textes, des bibliothèques entières.
A partir du moment où l'on n'a que trois textes qui nous parlent de ces communautés - trois textes sur six siècles, c'est très très peu, on est obligé d'aller chercher ailleurs les informations.

Mais comment trouver dans une vaste région d'Ethiopie, des cimetières oubliés depuis plus de six cents ans ?
L'équipe va s'appuyer sur le savoir des communautés musulmanes actuelles.

ITV Julien Loiseau
On est dans une région d'Ethiopie qui est très majoritairement chrétienne mais où il y a aujourd'hui des communautés musulmanes dont on ne sait pas d'ailleurs si elles sont les héritières directes de celles dont témoignent ces cimetières et ces inscriptions après lesquelles nous courons, mais qui malgré tout connaissent très très bien leur territoire et qui sont les seules à même de nous amener sur place. Il y a clairement ici une connaissance intra-communautaire des sites associés aux communautés musulmanes.

Aujourd'hui, l'équipe explore Habera, un cimetière qui a été identifié l'an dernier. Chaque stèle retrouvée augmente considérablement le corpus de sources pour l'étude des historiens. Mais cette présence de nombreux cimetières dans la région soulève un autre problème à résoudre.

ITV Amélie Chekroun
On n'identifie nulle part des zones d'habitat qui pourraient être identifiées par la présence de céramique, par exemple, et sur l'ensemble de ces cimetières et sur les trajets que l'on fait pour arriver à ces cimetières. On n'identifie jamais aucun tesson. Donc où habitaient ces gens ? Qu'est ce qui faisait qu'ils habitaient tous dans la zone de manière aussi rapprochée ? Pour l'instant, c'est très intéressant, mais plus ça avance et moins on comprend ce qu'on est en train de ce qu'on est en train d'identifier ici.

Cette étude prospective de la région sera suivie de fouilles bien plus approfondies de certains sites afin de mieux comprendre les pratiques funéraires de l'époque et, surtout, pour retrouver des sites d'habitation de ces populations disparues. Une étude sur le long terme qui permettra enfin d'écrire cette page manquante de l'Histoire de l'Ethiopie et de la corne de l'Afrique…

Réalisateur(s)

Nicolas BAKER

Personnalité(s)

Production

Référent(s) scientifique(s)

Délégation(s)

Thématiques scientifiques

CNRS Images,

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